Endométriose, enfin un nom sur la douleur des femmes

Endométriose, enfin un nom sur la douleur des femmes

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Le Dr Chrysoula Zacharopoulou est une femme combative qui ne s’arrêtera pas tant que son cheval de bataille – faire connaître au grand public et reconnaître auprès des autorités de santé- cette maladie sous-estimée et délaissée qu’est l’endométriose. Elle en fait une question de respect et de droits de la femme. Elle rallie des personnalités politiques et médiatiques à cette cause et mène tambour battant la campagne nationale 2016. Elle sera au premier rang lors de la marche mondiale contre l’endométriose, le 19 mars. Mais elle combat aussi la maladie au quotidien à l’hôpital, en tant que chirurgienne et en participant à la collaboration inter-hospitalière, entre le centre expert sur l’endométriose de l’hôpital Tenon et le service de gynécologie de l’hôpital Armand-Trousseau, appartenant au Groupe hospitalier des Hôpitaux universitaires Est Parisien (AP-HP).

Au bloc, au micro des médias et dans les ministères. Le Dr Chrysoula Zacharopoulou, allie la médecine à la communication, seul moyen de braquer les projecteurs sur une maladie encore trop peu connue et négligée. Elément moteur de la campagne nationale, cette gynécologue obstétricienne vise très haut et n’hésite pas à employer les grands moyens. Elle œuvre pour que soit appliquée en France, la Déclaration écrite au Parlement Européen. En effet, en 2004, la création d’une Alliance Européenne des associations de patientes qui militent pour la connaissance et reconnaissance de l’endométriose a fait appel aux parlementaires européens. Une déclaration écrite a été présentée en 2005 dont l’objectif est de faire reconnaître l’endométriose comme une maladie sociale. Au programme, une invitation aux gouvernements des Etats membres et à la Commission de promouvoir la semaine de prévention et d’information sur l’endométriose, le lancement de vastes campagnes et un sérieux coup de pouce à la recherche. Cette déclaration avait collecté plus de signatures qu’aucun autre sujet « santé ». Pourtant, plus de dix ans après, le chemin est encore long en France.

En 2007, le Dr Zacharopoulou, en exerçant à Rome, a vécu l’application de cette déclaration avec la mise en place d’une campagne nationale. En arrivant en France inspirée par son expérience italienne, elle a cherché à porter ce combat. L’occasion s’est présentée en 2012, grâce à sa rencontre avec le Pr Nezhat Ceana, chirurgien mondialement reconnu dans le domaine de l’endométriose. Il souhaite organiser une marche mondiale pour l’endométriose afin de sensibiliser le grand public sur ce thème. Le Pr Nezhat confie l’organisation de cette marche à une association en France, Lilli H. contre l’endométriose, et demande au Dr Zacharoupoulou de les accompagner.

Elle accepte d’aider en transformant un sujet de santé en une question de droits des femmes et décide, dans la foulée, d’essayer d’organiser une campagne nationale d’information sur l’endométriose.

Une question de dignité des femmes

Depuis, les « victoires » se sont enchaînées avec, en mars 2014, la Marche à Paris puis la rendez vous avec la ministre du Droit des Femmes de l’époque – Najat Vallaud-Belkacem- qui s’est engagée à porter le dossier. Un manifeste est alors lancé par le « collectif agir contre l’endométriose », qui réunit tous les associations françaises des patientes, Endofrance, LilliH, ECE, MEMS et qui compte à ce jour plus de 14 000 signatures.

En 2014, la chanteuse Imany s’est investie aux côtés de l’association Endomind comme ambassadrice. La rencontre entre la gynécologue, l’actrice et productrice Julie Gayet, Imany et Nathalie Clary, présidente de l’association Endomind et plusieurs autres personnes fut déterminante pour donner davantage de visibilité à cette affection gynécologique qui va au-delà de la santé de la femme. « L’endométriose n’est pas une question de règles, c’est une question de dignité des femmes et un sujet de droits des femmes », rectifie le Dr Zacharopoulou. Mars jaune, baptisé mois de l’endométriose, inclut du 07 au 13 mars la Semaine Européenne de l’endométriose. Point d’orgue médiatique, un concert le 8 Mars d’Imany et friends a eu lieu au Trianon avec la présence des ministres des Affaires sociales et de la Santé, de l’Education et du Droits des femmes, de médecins spécialistes et de toutes les associations, pour le lancement de la campagne nationale. Des discussions avec les ministères, il ressort un engagement pour une diffusion dans les hôpitaux, dans les plannings familiaux et dans les établissements scolaires à travers les infirmières scolaires. Le 19 mars, la 3e marche mondiale pour l’endométriose promet de réunir de nombreuses femmes et personnalités à Paris.

L’endométriose, une « maladie de couple »

L’état psycho-physique de la femme qui souffre d’endométriose retentit sur sa vie privée et intime au quotidien et touche toutes les sphères du couple, c’est pourquoi Chrysoula Zacharopoulou reçoit la femme et son compagnon en consultation, le plus souvent possible. Invisible et niée, l’endométriose est une réalité difficile à appréhender pour tous ceux qui n’y sont pas confrontés : conjoints, famille, amis etc. D’étiologie encore inconnue, l’endométriose est une maladie chronique des femmes en âge de procréer caractérisée par la présence de foyers d’endomètre (muqueuse interne de l’utérus) en dehors de la cavité utérine, comme le péritoine (membrane qui tapisse la cavité abdominale), les ovaires, l’intestin ou la vessie voire même le poumon ou des cicatrices cutanées. Sans nidation d’un embryon, l’endomètre qui s’est épaissi pendant le cycle se désagrège et s’élimine par le vagin : ce sont les règles. A l’instar de l’endomètre au niveau de l’utérus, les foyers dispersés subissent eux-aussi les fluctuations hormonales mais ne peuvent être évacués par les voies naturelles, provoquant des lésions, des nodules, des kystes, des réactions inflammatoires avec la formation de tissu cicatriciel créant des adhérences avec les organes avoisinants. 80% des femmes ont des douleurs pendant les règles (dysménorrhées) mais l’intensité des symptômes n’est pas corrélée avec la sévérité de l’endométriose. Le développement de la maladie entraîne des douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunies) chez 25-40% des femmes atteintes et des douleurs chroniques invalidantes au quotidien. Des signes fonctionnels digestifs et urinaires peuvent survenir lorsque l’endométriose est profonde avec infiltration de l’intestin ou de la vessie.

7 ans d’errance thérapeutique

Environ 10 % des femmes sont touchées. L’endométriose est retrouvée chez près de 40 % des femmes qui souffrent de douleurs chroniques pelviennes, en particulier au moment des règles. Pourtant, l’endométriose reste taboue ou trop peu prise au sérieux. Chrysoula Zacharopoulou avec Julie Gayet, Imany, ambassadrice de l’association Endomind, Nathalie Clary, président de l’association Endomind et d’autres personnes engagées pour la cause ont créé un groupe du travail qui élabore la réalisation d’une campagne nationale d’information. Un site internet www.info-endométriose.fr regroupera les informations, ainsi que les différents acteurs français autour de l’endométriose et relayera les différentes étapes de la campagne de la sensibilisation.

Le slogan de la campagne, lancée le 8 Mars, a été choisi avec l’équipe de Havas Paris

« Les règles, c’est naturel, pas la douleur ». Mais la prise de conscience des femmes -et des hommes- que souffrir (parfois la douleur est si terrible qu’elle empêche toute vie sociale, sexuelle, professionnelle) pendant ses règles n’est pas normal prendra du temps. 6 à 10 ans, c’est le nombre d’années entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic d’endométriose encore en 2016. La douleur des règles -idée reçue quasi culturelle- sur laquelle se construit la personnalité de la femme, fait qu’elle tarde à consulter. Pour ne rien arranger, les médecins, insuffisamment formés sur l’endométriose et sur l’interrogatoire clinique pour la dépister, ignorent ou minimisent les symptômes. On met encore ça sur le compte d’une « anxiété féminine » ou du caractère « douillet » de la femme qui exaspère le Dr Chrysoula Zacharopoulou : « parler des règles en 2016 est encore tabou. Peu de monde en parle, pas même les principales intéressées ! »

Lors de la rencontre entre la ministre des Affaires Sociales et de la Santé, Marisol Touraine, le Dr Zacharopoulou, Julie Gayet, Mme Sandrine Mazettier, vice-présidente de l’assemblée nationale et Lunise Marquis, adjointe à la marie du XIIème, la ministre a confirmé avoir saisi la Haute Autorité de Santé (HAS) qui devra rendre ses conclusions fin 2017 sur la situation de la prise en charge de l’endométriose en France. Le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) est quand a lui, chargé de faire la mise en jour des recommandations de bonnes pratiques cliniques.

Hôpitaux Tenon- Trousseau, AP-HP : un partenariat contre l’endométriose : Une collaboration inter-hospitalière est née entre le centre expert sur l’endométriose de l’hôpital Tenon et le service de gynécologie de l’hôpital Trousseau, pour une prise en charge optimale des patientes souffrant d’endométriose. L’intérêt de créer des passerelles entre les deux pôles de gynéco-obstétrique est de mutualiser les compétences pour le diagnostic et la prise en charge médicale et chirurgicale de la patiente y compris l’assistance médicale à la procréation en cas d’infertilité. Le service de gynécologie obstétrique et de la reproduction du Pr Emile Daraï à l’hôpital Tenon (Paris), est un centre expert d’endométriose, dont a fait partie le Dr Chrysoula Zacharopoulou pendant 4 ans. Aujourd’hui, elle exerce à l’hôpital Trousseau dans le service de Gynécologie et Obstétrique du Pr Gilles Kayem, ce qui lui permet de faire le lien avec les deux hôpitaux.

Le Dr Zacharopoulou participe aux réunions multidisciplinaires Tenon-Trousseau qui ont lieu à l’hôpital Tenon et qui sont animées par le Pr Emile Daraï, expert reconnu dans le domaine de l’endométriose. S’agissant d’une maladie complexe qui peut toucher plusieurs organes, ces réunions qui rassemblent chirurgiens gynécologiques et digestifs, radiologues, urologues et spécialistes de la prise en charge de l’infertilité, permettent de définir ensemble la stratégie la plus adaptée pour chaque patiente.

L’endométriose en chiffres

  • 14 millions de femmes atteintes en Europe
  • 10-15% des femmes en âge de procréer
  • 30-50% des femmes avec une endométriose sont victimes d’infertilité
  • Leurs frais médicaux sont supérieurs de 63% à la moyenne (USA)
  • 30 milliards d’euros/ans est le coût dû aux arrêts maladie liés à l’endométriose en Europe